Spécial confinement. Coronavirus, une épidémie d’infox ?

Mercredi 29 Avril 2020

Chaque semaine, Benjamin Daubeuf, enseignant en histoire-géographie au lycée Val-de-Seine du Grand-Quevilly, commente un article de Courrier international en rapport avec les programmes de sa discipline. Cette semaine, un exercice pratique : les infos et infox autour de la pandémie.

Dans la Lettre de l’éduc de la semaine dernière, intitulée “Les pays africains face à la pandémie de Covid-19”, nous vous avons soumis un exercice sur le thème 4 de la spécialité histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques (HGGSP) en classe de première : “S’informer : un regard critique sur les sources et les modes de communication”.

Il fallait, à partir de l’article suivant, répondre à trois questions de manière développée en utilisant les définitions du cours ou du manuel scolaire :

Vu d’Allemagne : quand les infox se propagent aussi vite que le virus
1 - Quelles sont les rumeurs qui se répandent à propos du coronavirus   ? Pourquoi ?
2 - Quelles en sont les conséquences ?
3 - Quel rôle jouent les institutions face à ces rumeurs ?


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Le but de l’exercice est d’arriver à développer une réponse sans se contenter de faire de la paraphrase, c’est-à-dire sans reprendre simplement ce que dit déjà le texte.
Comme nous l’avions montré dans la première Lettre de l’éduc spécial confinement, répondre à une question au lycée implique de mobiliser des connaissances vues en cours afin d’éclairer le document.

Il s’agissait donc ici de retrouver les définitions clés qui permettent de répondre aux questions. Attention cependant, il est tout de même nécessaire de citer le texte pour justifier ses réponses.

Ce que nous apprend cet article d’Anne Backhaus, écrit pour l’hebdomadaire allemand Der Spiegel , c’est qu’en Afrique de nombreuses rumeurs se répandent sur l’épidémie de Covid-19.

Ici, bien évidemment, il s’agit de la notion de fake news, au cœur de ce thème d’HGGSP, qu’il fallait mobiliser en premier.

On peut définir une fake news (“infox”, en français) comme une information mensongère diffusée dans le but de manipuler ou de tromper une partie de l’opinion publique. L’article montre bien comment ces rumeurs se diffusent massivement avec la crise sanitaire actuelle : “Les fake news se répandent aussi vite qu’un virus en ce moment. Ces ‘infodemic’, comme les appelle l’Organisation mondiale de la santé, sont une épidémie qui demande une riposte considérable en parallèle à la lutte contre le coronavirus.”

La majorité de ces fake news diffuse l’idée que le virus déclenchant le Covid-19 est moins efficace lorsqu’il fait chaud et touche moins les populations à la peau noire. Or, si le nombre de cas recensés en Afrique est certes plus bas, ce n’est peut-être pas dû à la chaleur, mais plutôt bien à l’insuffisance du dépistage.

Comment expliquer la rapidité de propagation de ces fake news ? Là aussi, il fallait utiliser le cours pour montrer que les comportements face à l’information ont profondément changé avec la révolution numérique.

On sait ainsi que les jeunes générations (les milléniaux) privilégient quasi exclusivement Internet pour s’informer, et même essentiellement les réseaux sociaux. “Le monde numérique nous permet souvent de toucher beaucoup de gens. C’est justement ça qui est dangereux, car cela donne à d’autres la possibilité de semer la panique sur les réseaux sociaux.”

La confiance qu’accorde une partie de la population africaine à ces rumeurs la pousse souvent à prendre de nombreux risques. Ici, on peut rappeler la définition d’opinion publique : l’ensemble des attitudes et des jugements d’une société sur une question donnée.

Se sentant immunisées, de nombreuses personnes brisent le confinement et ne respectent plus les gestes barrières. Comme l’atteste l’article du Spiegel, cette présumée immunité peut avoir de lourdes conséquences : “L’une des plus dangereuses, c’est celle qui soutient que la chaleur africaine protège de l’infection ou ne permet pas au Covid-19 de survivre. Ce n’est absolument pas prouvé, mais c’est ce qu’affirment plusieurs fake news. Y croire, c’est alors faire fi des mesures de base : oublier de se laver soigneusement les mains, ne pas éviter les rassemblements. Autre idée tenace : les Noirs seraient immunisés contre le Covid-19.”

La diffusion de ces rumeurs va encore plus loin lorsque des restaurateurs n’hésitent plus à relayer ces fake news en leur donnant une légitimité institutionnelle. Ils cherchent en fait à rassurer la population pour attirer à nouveau la clientèle. “Au Ghana, plusieurs clubs et restaurants ont affiché les pseudo-conseils de l’Unicef sur leurs murs pour rassurer les clients. Quand ces fausses informations sont transmises par une personne de confiance et considérées comme vraies, elles se propagent souvent rapidement par le bouche-à-oreille. ‘Les informations erronées sont extrêmement dangereuses’, déclare Sandra Bisin. Elles constituent même une menace grave en Afrique.”

La dernière conséquence de ces fake news, c’est le développement d’attitudes racistes et discriminatoires vis-à-vis de personnes soupçonnées de diffuser ce virus. Les Chinois sont particulièrement visés et, comme souvent en cas d’épidémie, l’étranger en général est considéré comme une menace dans les communautés rurales. “Les Chinois font déjà l’objet de discriminations […]. On raconte qu’ils ont délibérément créé le coronavirus pour nuire, qu’ils sont sales et qu’il ne faut pas les approcher. Et les rumeurs ne s’arrêtent pas là. Tout d’un coup, c’est la faute du voisin chrétien, ou musulman, ou d’une autre tribu, ou de celui qui ne parle pas la langue locale.” On retrouve ici la définition de la théorie du complot qu’il faut bien évidemment également maîtriser.

Face à la propagation de ces rumeurs et aux conséquences désastreuses qu’elles entraînent, les gouvernements ont tenté de répondre. Mais comme nous l’avons vu dans la Lettre de l’éduc intitulée “Les pays africains face à la pandémie de Covid-19 ”, l’État est bien souvent déficient dans nombre de PMA (pays les moins développés) d’Afrique.

Ce sont alors les ONG (organisations non gouvernementales) locales ou internationales qui pallient ce manque, comme par exemple l’ONG sud-africaine Africa Check. “Africa Check a développé une messagerie automatique sur WhatsApp. Ce système de dialogue fondé sur les SMS s’appelle ‘Kweli’ – ‘vérité’ en kiswahili. On peut lui envoyer des informations à vérifier.”

’autres institutions dépendantes de l’ONU (l’Organisation des Nations unies) tentent aussi d’endiguer la propagation de ces rumeurs. C’est le cas de l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance) et surtout de l’OMS (l’Organisation mondiale de la santé) pour qui la lutte contre ces fake news s’apparente à une lutte contre la propagation de la maladie. “L’OMS […] collabore aussi avec Facebook, Instagram, Twitter et TikTok pour tenter d’endiguer le flux quotidien de fake news. Mais si les réseaux sociaux suppriment en permanence de fausses informations, cela ne veut pas dire pour autant qu’elles disparaissent complètement.”

Pour la semaine prochaine, nous vous soumettons un nouvel exercice concernant les décisions prises par le président américain, Donald Trump, à l’encontre de l’OMS.
En vous appuyant sur l’article suivant :

Pandémie : avec l’OMS, Trump a trouvé le parfait bouc émissaire
Vous expliquerez l’attitude de Donald Trump face au multilatéralisme, et vous montrerez que cette attitude fait partie d’une longue tradition d’isolationnisme.
Bon courage !
Benjamin Daubeuf


Source : https://www.courrierinternational.com/article/la-l...

La Lettre de l’éduc - Courrier International